projet 2084
La verticalisation était inévitable. Avec plus de monde, les espaces urbains disponibles au sol sont devenus rares. Les espaces de vie, de travail, ont petit à petit pris de la hauteur. Le promoteur immobilier et milliardaire français Jean Fonlataine a très vite rêvé d'une façon de vivre encore plus détendue, compatible avec une société sans surprise et sans danger. Des immeubles d'une hauteur vertigineuse sont sortis du sol. Sont ensuite arrivées d'immenses voies piétonnes aériennes, permettant le passage d'un immeuble à un autre. Petit à petit, un nouveau réseau s'est étendu au dessus des infrastructures existantes. Les appartements situés en hauteur ont séduit de plus en plus de monde. Les entreprises aussi ont souhaité s'installer dans les locaux les plus hauts. Petit à petit des services et commerces sont devenus directement accessibles sur le réseau aérien. En 100 ans, les grandes métropoles ont évolué pour proposer une vie dans les airs qui était peut-être inévitable. Afin de compléter ce mode de vie, la société Aircom propose depuis maintenant 20 ans, des vols entre les immeubles et les différentes villes. Un système complet, optimisé, proposant un ensemble de services, s'est peu à peu installé. Monsieur Fonlataine est décédé en 2062 mais il aura initié le mouvement et aura contribué au développement d'une nouvelle ère.
Deux mondes différents cohabitent désormais, sans jamais réellement se mélanger : un monde que l'on connaît depuis toujours, le monde d'en bas, celui de ceux que l'on surnomme aujourd'hui les « fourmis » et le monde d'en haut, celui dans les airs, ou évoluent les « cigales ». Les fourmis se déplacent au sol, voyagent encore sur et sous terre. Même si les autovols ont peu à peu remplacé les automobiles, les gens d'en bas sont restés à une distance raisonnable de la terre ferme. Les cigales quand à elles vivent et se déplacent dans les airs, de station en station, sans vraiment se soucier de ce qui se passe chez les fourmis. Elles n'ont plus besoin de descendre et tout a été développé pour ne plus avoir à se mêler à l'agitation qui règne en bas. Tout est plus calme ici. De plus en plus de citadins se tournent vers cette solution aérienne complète pour vivre et effectuer leurs déplacements quotidiens. Les familles les plus aisées ont eu rapidement accès aux habitations élevées. Les « riches » auraient pu facilement devenir majoritaires. Cependant, un marché de l'immobilier encadré a permis une ouverture à toutes les classes et toutes les entreprises. Une séparation sociale irréversible a ainsi été évitée.
De plus en plus lèvent les yeux en rêvant d'accéder à ce monde encore plus optimisé. Vivre aussi haut, sans plus jamais fouler le sol de notre planète doit être assez déroutant au début mais une envie a été créée chez les fourmis. Je voudrais voir comment vivent les cigales. La vie en bas est très agréable, déjà sans souci, mais en haut c'est comme s'il n'y avait plus aucun effort à fournir. En sortant de chez vous, prenez l'ascenseur, arrivez sur le toit de votre immeuble, empruntez la passerelle et montez à bord de l'Aircom. Bien installé pour quelques minutes de vol, vous regardez le paysage que vous connaissez déjà par cœur. Vous descendez et prenez l'ascenseur qui ouvrira ses portes directement sur votre lieu de travail, votre centre commercial préféré, . . . Vous pouvez traverser la ville, le pays, sans avoir à mettre le nez dehors. Tout est perçu à travers une vitre. Les gens d'en haut souhaitaient être encore plus libres mais ne se sont-ils pas petit à petit retrouvés pris au piège ? Le système est parfait, sans faille. En bas aussi, tout est sûr, sans danger, réglé, mais j'aime encore ce fourmillement incessant, les autovols qui surgissent de tous les côtés, les gens qui marchent et profitent de la vie en extérieur. Les aller-retours entre terre et air sont rares. Chaque niveau dispose de tout ce qui est nécessaire à une vie confortable donc pourquoi s'aventurer ailleurs ?
Les premières générations de cigales ont bien connu le monde d'en bas mais aujourd'hui, les nouvelles générations ne connaissent pas grand chose de la terre ferme et n'ont pas du tout envie de descendre pour voir ce qui s'y passe. Les fourmis quant à elles, sont curieuses en voyant de très loin les navettes Aircom quadriller le ciel. Elle s'imaginent facilement à bord, ayant une vue globale sur leur monde, les rues et les autovols qui se croisent à toute vitesse. Cette nouvelle organisation urbaine est maintenant bien ancrée dans les habitudes mais quel mode de vie est le meilleur ? Est-ce qu'un jour, moi aussi j'oserai franchir le pas et prendre de la hauteur ?
Jack Orion, une fourmi hésitante.
AIR